Quand les pure players partent à la conquête du commerce physique
Le 16 juin, le géant de l’e-commerce Amazon créait la surprise en annonçant le rachat de la chaîne américaine Whole Foods Market. Une incursion massive du pure player dans le commerce physique… et dans la cour des grands de l’alimentaire !
Retour sur cette décision, vécue par beaucoup comme un séisme, et marquant le début d’une course folle pour l’acquisition de magasins « en dur » par les principaux acteurs du e-commerce.
Difficile d’affirmer aujourd’hui que les pure players se portent bien. En dehors, bien entendu, d’un géant comme Amazon. Aux Etats Unis, le groupe fondé en 1994 par Jeff Bezos représente, à lui tout seul, 65% de la progression du e-commerce, et 20 % de celle du commerce. Vertigineux.
« En France, le seuil de 200 000 sites de vente en ligne a été franchi, annonce Jean-Marc Mégnin, directeur général de Shoppermind. Est-ce une bonne nouvelle ? Je ne le pense pas. Sur Internet les coûts de recrutement, d’entretien, de fidélisation sont très élevés et il y a fort à parier que sur ces 200 000 plateformes, 190 000 sont amenées à disparaître. A côté des omnipuissants Amazon, Alibaba ou encore Zalando, les autres pure players ont beaucoup de mal à franchir le seuil de rentabilité. »
Le e-commerce rencontre moins de difficultés lorsqu’il est soutenu par un retail classique. « Carrefour ou Auchan sont obligés de vendre en ligne, ajoute Jean-Marc Mégnin, mais aucun des deux groupes ne peut avancer que la rentabilité est assurée par le e-commerce. »
Envahir le commerce physique : des tests aux acquisitions
Qui aurait imaginé, il y a quelque temps, que les géants de l’Internet décideraient d’investir la sphère physique ? « J’étais moi-même persuadé qu’Amazon n’ouvrirait jamais de magasins ! » avoue Jean-Marc Mégnin. Mais il semblerait que le groupe considère maintenant comme une erreur de ne pas aller à la rencontre ‘’dans la vraie vie’’ de ses clients. Sur des produits très stratégiques, comme les produis frais, la vente en ligne est trop onéreuse. »
Amazon a donc, dans un premier temps, lancé plusieurs tests :
– le service de livraison de produits frais, Amazon Fresh. Difficile cependant de baisser les coûts et de parvenir à résoudre l’équation économique ;
– le magasin automatisé Amazon Go, à Seattle, dont la promesse était « pas de file d’attente, pas de règlement, pas de caisse ». Mais l’innovation a vite montré ses limites (plus de vingt clients dans le magasin et le système ne fonctionne plus) et deux mois après son ouverture, le concept store est en stand by… pour renaître peut être avec une technologie 100% RFID
– Amazon Pick up, là encore, à Seattle. Après en être arrivé aux mêmes conclusions que les Français Carrefour ou E.Leclerc (oui, les clients sont prêts à venir chercher leur commande et apprécient même de le faire !) Amazon est en de train de découvrir le drive.
« Mais finalement, plutôt que de perdre du temps en multipliant les tests, le pure player a décidé de se tourner vers les acquisitions ! raconte Jean-Marc Mégnin. Tout s’accélère tellement vite qu’Amazon achète directement de l’expertise. »
Sans compter la montée en puissance sur les Amazon Book store, librairie de nouvelle génération déjà au nombre de huit et dont une trentaine devraient ouvrir prochainement.
Prendre pied « dans la vraie vie »
En rachetant Whole Foods Market, qui possède 460 supermarchés, dans 41 états des Etats-Unis ainsi qu’au Canada et au Royaume-Uni. Coût de la transaction ? 13,7 milliards de dollars, – en comparaison, la valorisation de Carrefour représente 19 milliards de dollars, pour 12 000 magasins ! Amazon fait une entrée tonitruante sur le marché très concurrentiel de l’alimentaire. « Oui, les pure players ont réalisé qu’ils avaient besoin d’investir la vraie vie et se mettent pour cela à racheter des réseaux de magasins, analyse Jean-Marc Mégnin. Alibaba fait de même en Chine, avec le rachat de Sunning, Hema… »
Face à ce nouveau positionnement des pure players, les craintes sont réelles. « Les gros, déjà très gros, iront encore plus loin dans leur démarche et leur volonté d’aller à la rencontre des clients, s’inquiète Jean-Marc Mégnin. Et l’argent se trouve de leur côté, car les ‘’brick and mortar’’ sont exsangues financièrement et culturellement … les géants de la nouvelles économie du retail acquièrent les cultures et expertise qu’ils n’ont pas … Et eux ont l’argent et le soutien de leur investisseur pour cela! » Whole Foods racheté 13,7 Md$ est déjà rentabilisé puisque la valorisation d’Amazon suite à cette acquisition a augmentée de 30 Mds$. La bataille va être rude.