Le mot de la semaine – Sustainable Fashion

Par Nathan Stern, Président d’Altavia Shoppermind

L’industrie de la mode – et spécifiquement dans le haut de gamme – est de plus en plus durement remise en cause pour ses impacts négatifs sur l’environnement : le textile est la seconde industrie la plus polluante.

Et comme le souligne la fondation Mac Arthur, chaque étape dans le cycle de vie d’un vêtement est une source de pollution, jusqu’au lavage, au repassage et à la mise au rebut. Et tendanciellement, ces problèmes d’image des acteurs du prêt-à-porter peuvent fragliser le lien entre les clients et les marques. Les Galeries Lafayette, avec l’initiative Go for good, se sont saisies de cet enjeu et ont fait le choix de mettre à l’honneur les produits éco-responsables.

Pour réduire leur exposition aux mises en cause et restaurer la confiance fragilisée des consommateurs, les marques et les enseignes de prêt à porter multiplient les démarches. Le mouvement est balbultiant mais plusieurs fronts semblent se préciser et plusieurs réponses semblent s’esquisser :

  • La durabilité plutôt que l’obsolescence : Certaines marques de vêtements, de sacs ou d’accessoires font le choix d’offrir des garanties de très longue durée à leurs clients. C’est le cas par exemple de la marque de vêtement anglaise Tom Cridland qui assortit ses jeans d’une garantie de 50 ans. C’est aussi le cas d’Eastpack qui propose une garantie de 30 ans pour certains de ses sacs.
  • La location plutôt que l’achat. C’est le choix d’acteurs comme Balmain qui s’appuient sur Armarium, une plateforme de location de produits de luxe. Le Bon Marché a récemment accueilli un pop-up store en son sein, à l’occasion du lancement d’Armarium en France.
  • L’occasion plutôt que le neuf. Des chausseurs – comme Weston – qui se positionnent comme prestigieux font le choix de dépasser le tabou de la chaussure portée par un autre et ouvrir en janvier 2020 une boutique expressément consacrée aux chaussures d’occasion rénovées dans les ateliers de la marque. Patagonia avait montré la voix avec son programme Worn Wear.
  • Le respect de standards élevés en matière de conditions de production : respect des droits des travailleurs de toute la chaîne : des ouvriers agricoles aux ouvriers des ateliers de confection
  • L’utilisation de matériaux moins polluants : coton bio, lin européen, cuir au tannage végétal, fibres plus durables comme le chanvre ou le maïs, cuir d’ananas chez H&M ou plastique récupéré dans l’Océan pour Adidas,… Même la joaillerie s’y met avec Guérin Joaillerie qui utilise de l’or recyclé, nettement moins polluant que l’or issu des mines.

Il demeure un souci de taille : comme le souligne Veja sur son site, la mode est intrinsèquement un marché fondé sur l’apparence, l’envie de se distinguer, de signaler son appartenance à une classe ou à un milieu, l’envie d’attirer les regards, l’envie de démontrer sa capacité à posséder tel bien très convoité et beaucoup trop cher pour ceux qui en sont les témoins,… Sur le plan social, les dynamiques à l’œuvre ne contribuent pas à une société solidaire, apaisée et unie. Il serait abusif d’accuser la mode d’être à la racine des divisions et des exclusions liés aux vêtements. La manière dont on s’habille témoigne de son milieu, de ses fréquentations, de son niveau de revenus, de ses goûts. Les collégiens et lycéens en savent quelque chose : porter, le jour de la rentrée, une paire de mocassins dans un environnement où tous les autres élèves portent des baskets peut signer votre mort sociale pour l’année.

Mais l’industrie du luxe et de la mode peut jouer un rôle clé dans la transformation de cette culture de la distinction. C’est peut-être le prochain défi de cette industrie pour que, dans ses fondamentaux, elle contribue à une société moins violente : inventer une mode inclusive, accessible, respectueuse de la singularité des individus et qui encourage chacun d’eux à se montrer dans une authenticité. L’industrie de la cosmétique avec des marques comme Dove, Lush ou Nostra – la marque d’Eric Cantona et de Rachida Brakni – ont fait ce virage. Pourquoi l’industrie de la mode n’y parviendrait-elle ?